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Le chaînon manquant

Un journal en ligne sur les questions urbaines à Liège
lundi 22 décembre 2014

Analyse

La Boverie, parc ou luna park ?

Etat des lieux, projets en cours et leur impact

On trouve à Liège plusieurs parcs, le parc d’Avroy, le jardin Botanique, … mais le parc de la Boverie est sans doute le plus emblématique. Il est très apprécié et fréquenté par les liégeois, sportifs ou simples promeneurs, seuls ou en familles. Deux projets importants y sont en cours de réalisation : une passerelle piétonne et un agrandissement/rénovation du musée.

22 décembre 2014 - par Marie Schippers

Île de la Boverie, matrice, depuis cent cinquante ans, des avenirs liégeois |1|.

A priori, nous nous réjouissons de ces projets, le musée avait besoin d’un coup de jeune et la passerelle ouvre des perspectives piétonnes vers le quartier des Guillemins aux habitants d’Outremeuse.

Quelques questions se posent néanmoins : ces projets ont-ils été pensés en cohérence l’un avec l’autre, leurs impacts additionnés pourraient-ils modifier l’aspect du parc et les activités qui y sont pratiquées ? Mais pour commencer, tous ces projets offrent une belle occasion de faire un petit retour sur l’histoire du parc de la Boverie.

L’histoire du parc

Alors que les lieux étaient occupés par des pâtures puis par des résidences champêtres et de plaisance, et enfin, depuis 1830 par un champ de manœuvres, le parc trouve son origine au milieu du XIXe siècle quand la dérivation est créée pour maîtriser l’Ourthe. Les terres extraites pour creuser le lit de la Dérivation ont en effet été utilisées pour les remblais fondateurs du parc. En 1856-1857, un concours est organisé pour la création d’un parc public, douze projets sont déposés et analysés. Malgré ces bonnes intentions, le projet sélectionné n’est pas mis à exécution notamment en raison de difficultés financières de la Ville de Liège.
En 1862, la Ville octroie une concession à la Société royale d’horticulture et d’acclimatation pour une durée de 50 ans afin d’y installer un jardin d’acclimatation d’une superficie de 3 hectares et 15 ares dans le nord du parc.

Un jardin d’acclimatation ou jardin colonial est, à l’origine, un jardin botanique établi en métropole pour y acclimater les plantes exotiques introduites en provenance des colonies. Il héberge parfois aussi une ménagerie d’animaux exotiques.

En 1859, un bassin de natation est installé dans la Meuse et en 1894, un vélodrome est construit sur le site. Ces deux éléments disparaissent lors de la préparation de l’exposition universelle de 1905. Dès cette époque, deux sociétés — le Sport nautique et l’Union nautique — se partagent les berges.
L’année 1905 est un moment clé dans l’histoire du parc qui devient l’une des zones phares de l’exposition universelle, on y trouve en effet le « quartier des palais ». De cette époque subsistent le bâtiment qui abrita le Palais des Beaux-arts devenu le Musée d’arts modernes et d’art contemporain ainsi que le pont Hennebique. En 1930, le site accueille de nouveau une exposition internationale organisée pour célébrer le centenaire de l’indépendance de la Belgique.

Infrastructures et usages actuels

L’élément constitutif, le parc de la Boverie s’étend à l’heure actuelle sur sept hectares, on y trouve une grande diversité de fonctions et des usages variés qui en font un lieu vivant. Fonction traditionnelle des parcs, une plaine de jeux est située le long de la Meuse. On trouve encore la grande volière construite après 1940, la Roseraie inaugurée en 1950 ainsi que trois ponts reconstruits en maçonnerie en 1960.

Un élément important est le RaVeL qui longe le parc sur la rive côté Meuse. Venant du Nord de la ville, il passe sous le pont Albert, longe le palais des congrès puis remonte vers le parc juste avant le bâtiment du sport nautique. Ensuite son parcours se dissout dans le parc avant de reprendre son chemin une centaine de mètres plus loin, après la plaine de jeux, vers le pont Hennebique qui se trouve à la pointe sud du parc. Le RaVeL est très fréquenté, par des riverains promenant leur chien, par des marcheurs, des joggeurs et par des cyclistes qui l’utilisent parfois de manière très rapide faute de pistes cyclables en suffisance |2|.

Le parc est aussi un écrin pour de nombreuses sculptures et œuvres d’art public, parmi ceux-ci « Le Faune mordu » (1903) du sculpteur Jef Lambeaux, des Reliefs allégoriques sur la rotonde du musée (1905) du sculpteur Oscar Berchmans, la Légende, sculpteur Joseph Rulot, la Toilette (1910) du sculpteur Max d’Haveloose, une Stèle à la mémoire de Louis Boumal du sculpteur Georges Petit, un Monument à Armand Rassenfosse (1934) du sculpteur Pierre-Félix Fix-Masseau,…

Dans un registre plus contemporain, la Tour cybernétique de Nicolas Schöffer créée en 1951 et classée en 1997, elle a depuis été inscrite sur la liste du patrimoine exceptionnel en 2009. « …la tour est une sculpture abstraite de 52 mètres de haut. Elle est composée d’une ossature portant des bras parallèles et de 64 plaques-miroir de formes et de dimensions différentes qui sont fixées sur 33 axes tournants. Chaque axe est entraîné par un moteur dont les vitesses sont variables. L’ensemble du dispositif est relié à un système électronique d’information et de mise en action constante. Des appareils tels que des microphones pour les bruits, des cellules photo-électriques pour la lumière, des prises thermiques et hygrométriques, des anémomètres envoyaient des informations à un cerveau électronique. Ce dernier déclenchait, en réaction, des combinaisons variées de mouvements, sons et lumières. » |3| La Tour Schöffer devrait prochainement faire l’objet d’une rénovation complète, pour un montant total de 2 millions six cent mille euros auquel le gouvernement wallon contribue avec un subside de 800.000 Euros octroyé à la fin 2014 |4|.

Plusieurs bâtiments sont disséminés à travers le parc. Le plus ancien d’entre eux est le musée qui a désormais fermé ses portes de MAMAC et est en train de subir un véritable lifting. Les deux clubs d’aviron sont toujours logés dans le parc, l’Union nautique se trouve à la pointe sud et le Sport nautique quant à lui s’étend le long de la Meuse. Le Palais des Congrès conçu par les architectes de l’Equerre a été inauguré en 1958 sur le site précédemment occupé par le Palais de l’acclimatation « Le Mosan ». Il voisine avec un hôtel, l’Holiday Inn installé sur le site en 1971 (devenu Alliance Hospitality Hotel). Enfin, des bâtiments « provisoires » abritent une école (maternelle et 1er degré primaire) du Groupe scolaire communal des Rivageois (Georges Mignon) aussi surnommée « l’école des lapins ».

Plus anecdotique, une ancienne glacière industrielle se situe sous la butte le long de la rue du Parc, elle a servi d’abri anti-aérien pendant la seconde guerre mondiale. Elle n’est désormais plus visitée que lors des journées du patrimoine.

Toutes ces fonctions et ces occupations donnent naissance à un grand nombre d’usages par une population variée : le pique-nique, les activités nautiques et les pêcheurs — un concours de street fishing s’est tenu à plusieurs reprises sur la rive de la Meuse —, des rendez-vous galants et des photos de mariages, … Des manifestations y sont aussi organisées comme Retrouvailles qui rassemble chaque année, le premier week-end de septembre, quelque 300 associations, tout cela accompagné d’animations et de spectacles. Plus de 35.000 visiteurs en profitent pour déambuler dans le Parc.

La place des voitures

Notons encore que de manière étonnante et inhabituelle pour une parc l’accès en voiture occupe une place très importante. En effet, les deux bâtiments abritant les clubs nautiques sont accessibles en voiture ce qui implique la traversée du parc dans le sens de sa longueur pour atteindre l’union nautique à l’extrémité sud de l’île et dans la largeur pour atteindre le bâtiment des sports nautiques. À cela s’ajoutent le parking et les accès nécessaires à l’école et au musée.

Malgré ces activités diverses, malgré ses nombreux visiteurs et malgré même ses chemins et routes, le parc de la Boverie a jusqu’aujourd’hui pu conserver son caractère verdoyant et offrir l’ombre des ses frondaisons aux Liégeois qui n’ont pas de jardin.

Les projets en cours de réalisation

Deux projets en cours vont modifier radicalement le visage du parc de la Boverie, il s’agit du projet de passerelle cyclo-pédestre et du projet de transformation du MAMAC en centre international d’art contemporain (CIAC). Des projets de moindre ampleurs concernent la rénovation de la Tour cybernétique ou encore des aménagements autour de la roseraie.

La passerelle

Le projet de passerelle s’insère dans le réaménagement des quais de Meuse de la rive gauche (quais de Rome et…) et dans le projet de la Ville de Liège de créer un axe de la gare des Guillemins jusqu’à la Médiacité. La demande de permis d’urbanisme pour la nouvelle passerelle a été déposée en avril 2012 et le chantier a démarré au début de l’année 2013 pour se terminer en janvier 2015.

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Projet de passerelle, vue depuis la rive gauche

Sur la rive droite, la passerelle prendra pied au bord de la Meuse face à la sortie de la rue Paradis. Elle atterrira sur la rive gauche dans le parc de la Boverie avec deux « arrivées » prévues, l’une au niveau du bâtiment de l’union nautique et l’autre au niveau du pont des Vennes. Elle constituera ainsi une prolongation intéressante et pratique du RaVeL et elle permettra aux navetteurs de se rapprocher de la gare des Guillemins en empruntant un axe réservé aux piétons et aux cyclistes sur une plus longue distance.

Ce succès attendu est justement un élément à surveiller, comme nous le soulignions déjà en avril 2012 lors de l’enquête publique sur le projet de passerelle |5|. On peut encore s’interroger sur la nouvelle dynamique de cheminement qui sera induite par cette nouvelle voie d’accès et ses deux points d’arrivées et également sur l’impact visuel que produira la passerelle en surplomb du parc vue d’en bas.

Ce projet de passerelle s’inscrit dans un « cheminement Guillemins-Médiacité ». Tel qu’il est présenté par la Ville, l’aménagement du cheminement Guillemins-Médiacité a pour objectif d’étendre le parc de la Boverie sur le place du Parc, de supprimer une bande de circulation pour élargir le trottoir et de prolonger ce cheminement confortable du pont des Vennes à la « Piazza de la Médiacité » |6|.

Le musée

L’idée de rénover le musée a été lancée en 2005 par le GRE (groupe de redéploiement économique Liégeois). En 2007, une étude a été lancée afin d’étudier la faisabilité du projet. Pendant les travaux, les collections du MAMAC et du Cabinet des Estampes sont abritées au BAL, le Musée des Beaux-arts de Liège, situé à l’îlot Saint Georges.

En mai 2010, le bureau d’architecture liégeois PHD et l’architecte français Rudy Ricciotti ont été désignés pour dessiner le projet. Ils proposent une extension et une ouverture de la façade aveugle du musée côté dérivation, cette annexe de verre et d’acier posée sur des pieux surplombera la route qui mène à l’union nautique |7|. Le bâtiment des sports nautiques accueillera quant à lui un restaurant et un centre de documentation.

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CIAC de Liège

Nos inquiétudes et questionnements

Nous ne remettons pas en questions les projets en cours dont nous avons d’ailleurs relevé les avantages et potentialités en effet, nos interrogations portent sur la cohérence entre les projets et sur leurs impacts additionnés sur le parc existant ainsi que sur les activités qui y sont pratiquées actuellement.

Est-il besoin de rappeler qu’un parc c’est avant tout de la végétation, des cheminements piétons, et éventuellement des jeux et un élément aquatique ? Nous craignons que du parc ne subsiste qu’une collection d’espaces résiduels - quelques arbres, des portions de pelouse - entre des interventions architecturales et des voies carrossables.

Le parc de la Boverie est déjà traversé de nombreux chemins nécessaires pour permettre à tout et chacun de profiter des ses ombrages et de sa fraicheur mais les voies, routes et chemins ne doivent pas prendre le pas sur les zones végétales.

L’augmentation de la fréquentation qui est attendue de la rénovation du musée et de son extension à de nouveaux bâtiments — centre de documentation et cafétéria — mais aussi la croissance du trafic piéton de passage notamment sur l’axe Guillemins-Médiacité pourraient exercer une pression supplémentaire sur la santé du parc.

Ces quelques interrogations nous amènent à nous demander si une vision d’ensemble du parc et de ses aménagements a été développée, une vision holistique qui pourrait également prévoir une rénovation ou une réinterprétation des différents espaces du parc en cohérence les uns avec les autres dans le souci de maintenir le caractère verdoyant et harmonieux de cet espace vert primordial pour notre ville.

Bibliographie sélective :

Fernand PIEROT, Liège aux 100 visages, Editeur Perron Whale, Liège 1987.

Christine Renardy (dir.), Liège et l’Exposition universelle de 1905, Bruxelles, La Renaissance du livre, coll. « Les beaux livres du patrimoine »,‎ 2005, Bruxelles.

Projet de créer un jardin d’acclimatation et d’expérimentation de plantes et d’animaux utiles au parc de la Boverie à Liège, Société royale d’horticulture de Liège, Imprimerie de L. De Thier & F. Lovinfosse, 1863.

Gustave DREZE, Le livre d’or de l’exposition universelle et internationale de Liège de 1905.

Etude historique sur sept parcs liégeois réalisée par l’asbl Homme et Ville pour l’Echevinat de l’Urbanisme de la Ville de Liège, 2006.

B.H., « La nouvelle passerelle Guillemins-Boverie, c’est pour bientôt », in l’Avenir, 13 avril 2012

Isabelle LEMAIRE, « Le projet de passerelle séduit », in La Libre Belgique, 18 avril 2012

Centre International d’Art et de Culture (CIAC) — Site de la Ville de Liège http://www.liege.be/projet-de-ville/autres-projets-en-cours/centre-inter.. site consulté le 20 décembre 2014

Dominique NAOHE, « La grande île des redéploiements », in La Libre Belgique, 16/08/2007

Site du GRE Liège groupe de redéploiement Economique Liégeois http://www.gre-liege.be/Le-CIAC-un-projet-culturel.html site consulté le 29 décembre 2012.

|1| Dominique Nahoé, « La grande île des redéploiements », in La Libre Belgique, 16/08/2007

|2| voir les autres publications d’urbAgora sur ce thème et notamment Usages multiples d’un RaVeL urbain

|3| Brochure de la Ville de Liège

|5| Commentaire d’urbAgora sur le projet de passerelle des Guillemins http://urbagora.be/interventions/enquetes-publiques/passerelle_guillemins.html

|6| Source : Ville de Liège.

|7| Source : Ville de Liège.

Cette publication a reçu le soutien
du ministère de la culture,
secteur de l'Education permanente

Les commentaires des internautes

1 message

La Boverie, parc ou luna park ?
posté le 28 juin 2015

Nous avons appris le jeudi 25 juin, PAR UN JOURNALISTE DE LA RTBF, que l’école de la Boverie serait détruite et déplacée (avec l’équipe pédagogique) rue de Londres, le long du chemin de fer. Nous nous sommes rendues à la direction de l’école. La directrice nous a informée que L’échevin de l’instruction publique Pierre Stassart et l’inspection de l’enseignement ont demandés à la direction de n’informer les parents et enseignants qu’à la dernière minute ( afin qu’ils n’aient pas le temps d’introduire un recours). L’école de la Boverie sera détruite et ne rouvrira pas en septembre. Adieu à cette école unique et verdoyante.


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