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lundi 15 décembre 2014

Analyse

De la valorisation des toits plats par la végétalisation

Depuis quelques années déjà, la valorisation des toits plats a le vent en poupe dans les grandes villes européennes et nord-américaines. Transformé en terrasse, le toit plat peut devenir un lieu de vie supplémentaire. Dans un souci plus écologique, il peut également être végétalisé et devenir alors un espace vert à part entière, niché au cœur de la cité. Passage en revue des multiples avantages que présentent les toitures plates végétalisées.

15 décembre 2014 - par Nadine Nicolas

L’engouement relativement récent pour le toit végétalisé ou vert, appelé aussi éco-toit, ne doit pas faire oublier que le procédé est vieux comme le monde — les premiers dateraient du néolithique, il y a plus de 10.000 ans — et auraient été identifiés sur tous les continents. Même si les besoin et les techniques utilisées varient, partout, le principe du toit végétal reste le même : il joue, avant toute considération esthétique, un rôle d’isolant naturel du point du point de vue thermique ou phonique ou les deux.

Alors qu’en Islande, la technique n’a jamais cessé d’exister, dans le reste de l’Europe elle n’a été redécouverte que récemment. C’est d’abord le cas en Allemagne dès les années ’60, en vue de réintroduire de la nature dans la ville, et puis vers 1970, en Grande-Bretagne ainsi qu’aux Pays-Bas, en Autriche et dans les pays scandinaves.

Depuis quelques années, au Japon comme dans les Andes, ce type de construction est plus qu’encouragée par les autorités.

La redécouverte et la multiplication des toits végétaux en ville, recouverts de végétaux à croissance lente ou, mieux encore, de véritables jardins, sont, de par le monde, généralement accompagnées de mesures incitatives, telles que des primes octroyées par les pouvoirs publics. Celles-ci visent à répondre à des objectifs tels que l’augmentation des surfaces vertes, le maintien et le développement de la biodiversité ou encore la rétention de l’eau sur les parcelles, nécessaire puisque l’on sait que de plus en plus d’inondations sont liées à l’imperméabilité des sols.

En Belgique, ces toitures revisitées seraient plus que nombreuses en Flandre et à Bruxelles mais nettement moins en Wallonie. L’absence de primes wallonnes peut certainement expliquer le phénomène à moins que ce ne soit une volonté moindre des Wallons à faire face aux défis écologiques d’aujourd’hui à savoir limiter la pollution de l’air et améliorer la biodiversité en zone urbaine. Nous en doutons et pensons plutôt que c’est faute de moyens et de connaissances sur le sujet que la situation est celle que l’on sait.

À l’heure des besoins en économies d’énergie , d’une sensibilisation au développement durable et d’une demande légitime de végétalisation accrue de la ville, il nous a semblé important d’aborder le sujet, et ce particulièrement à Liège. En effet, s’agissant aussi bien des maisons particulières que de bâtiments publics ou d’immeubles à appartements, la ville compte de nombreux toits plats dont certains témoignent des traces d’une architecture moderniste. Rappelons cependant qu’ il n’existe pas de recensement officiel des toitures plates à Liège, un manque indéniable puisqu’il ne permettrait au service de l’urbanisme de pouvoir s’adresser directement aux propriétaires éventuellement intéressés par l’une ou l’autre prime.

En effet, il nous semble intéressant de mettre en avant l’ensemble des avantages à retirer de la végétalisation des toitures plates du point de vue écologique, énergétique, phonique comme esthétique. A noter que quand nous parlons de toits plats, nous nous référons aux critères de la région bruxelloise à savoir les toits allant de l’horizontale à une pente de maximum 30 %.
Ces toits dits plats doivent pouvoir accueillir et maintenir en place différentes variétés de plantes, quelles que soient les conditions climatiques.

D’un point de vue plus technique et, sans entrer dans les détails, citons les caractéristiques des toits végétalisés adaptés à nos contrées et pouvant être, de fait, installés chez nous. Ces caractéristiques sont notamment liées à l’épaisseur et au type de substrat et de plantes utilisées, la possibilité de pouvoir ou non circuler sur l’espace et le coût final de l’aménagement de l’espace.
A condition cependant que le toit, structure de base, soit, dès le départ, bien isolé et parfaitement étanche, conforme aux normes techniques exigées en la matière comme la capacité à supporter un poids final pouvant être relativement important.

Cela peut concerner des toits réalisés sur des bâtiments déjà existants, dans le cadre par exemple, de travaux de rénovation mais, pour plus de commodités, il est préférable de les prévoir dès la conception des nouvelles constructions.

À Liège, les terrains à construire étant on ne peut plus rares, les toits plats dont nous voudrions envisager l’essor seraient, pour la plupart, aménagés sur le bâti existant en insistant peut-être sur les nombreux immeubles de logements, entreprises ou bâtiments publics, bénéficiant généralement de plus de moyens financiers.

Ces toits peuvent être désignés comme extensifs ou intensifs.

Le toit plat extensif ou à végétation extensive

C’est le plus courant — près de 80 % des cas —, il exige très peu d’intervention extérieure quant à son installation et son entretien ; les plantes (sédums ou plantes grasses, mousses, graminées, plantes aromatiques) ne devant pas s’y enraciner en profondeur l’épaisseur du substrat nécessaire est mince (de 4 à 15 cm) et donc son poids plutôt léger (de 50 à 100 kg/m² maximum) — un atout supplémentaire puisqu’il n’exige pas de devoir mettre en place des travaux d’aménagement trop lourds. Choisies pour leur robustesse, ces plantes — surtout les plantes dites grasses comme le sédum — supportent le gel comme la sécheresse et les rayons les plus ardents du soleil.

C’est également le plus abordable des toits végétalisés au plan financier, sachant que l’on peut le mettre en place sans l’intervention de professionnels. Cela étant, sachant que les espèces de plantes communément référées et les supports utilisés ne permettent pas que l’on les piétine, son rôle est juste ornemental. Par ailleurs, il est peu propice à encourager la biodiversité, les variétés de végétaux les composant étant plutôt limitées.

Le toit plat intensif ou à végétation intensive

C’est assurément le plus convivial et le plus intéressant du point de vue environnemental. Selon les cas, la couche de substrat utilisée peut atteindre jusque 40 cm. Le support sur lequel il doit être installé doit impérativement être robuste, capable d’accueillir des structures lourdes, une fois l’épaisseur de la terre, de l’eau qui peut venir gorger celle-ci et les plantes, arbustes voire arbres qui pourront y être plantés c’est à dire un poids pouvant atteindre les 600 kg/m².

Enfin, il doit être doté d’un système de drainage efficace pour limiter au maximum les risques de pourrissement à la base. Ce toit plat peut constituer un véritable jardin d’agrément ou potager suspendu et devenir alors un vrai espace de vie.

Comme on peut s’en douter, sa conception comme sa réalisation ne peut être accomplie sans l’aide d’un professionnel (architecte et entreprise de jardinage spécialisée) et exige un permis d’urbanisme. Ce type de toit est donc le plus coûteux et le plus exigeant mais c’est également celui qui va donner le plus de satisfaction en termes de qualité de vie.

Sans conteste, c’est ce type de toit plat verdurisé que nous souhaiterions voir soutenus par les autorités via des primes adaptées aux revenus de chacun du moins en ce qui concerne les maisons de type unifamilial ou les petits immeubles de logement dès lors que ces toits viendraient jouer le rôle d’espace de vie collectif. De plus, l’installation et l’entretien de ces toits plats végétalisés pourraient être une source d’emplois, notamment parmi les personnes peu formées. Cela étant, cette situation constituerait un idéal dans l’absolu ; il va sans dire que de simples toits plats extensifs seraient préférables à rien du tout comme actuellement, ne fut ce que pour augmenter la rétention d’eau et la satisfaction visuelle des voisins voire être considéré comme un agrément visuel pour tout un quartier.

Cela dit et nous en sommes bien conscients, selon que l’on parle de toit plat à végétation intensive ou extensive, la main d’oeuvre nécessaire à son installation et son entretien sera bien différente quant à l’énergie demandée. Tout dépendra donc des moyens humains et surtout financiers mis à disposition dans le projet en tant qu’aventure individuelle ou collective. Il faut reconnaitre que la végétalisation des toits plats représente un coût élevé — jusqu’à 100 euros le m² — et qu’elle n’apparait pas comme une opération nécessaire. Il faudra certainement des années pour que ce type de démarche se généralise et interpelle les candidats-bâtisseurs comme les futurs acquéreurs de bâtiments plus ou moins anciens, soucieux de poser un geste en matière de protection de l’environnement car les avantages à tirer de l’aventure sont nombreux.

Des avantages attendus de la végétalisation des toits plats

Des avantages écologiques

Du point de vue écologique tout d’abord : réparties sur toute la surface des toitures plates et enracinées dans une substrat plus ou moins épais ou dans de simples contenants type sacs textiles ou bacs, les plantes captent une bonne partie des eaux pluviales, avantage appréciable dans nos régions habituées aux intempéries. Cette mise au vert des toits -en limitant le rejet des eaux de pluie dans les égouts (30 % par an en moyenne et jusque 50 % lors des fortes pluies) — devrait ainsi permettre de diminuer le risque d’inondation. Un enjeu crucial quand on songe à l’effet catastrophique qu’est la bitumisation des terrains aux alentours des zones commerciales et d’activités économiques ayant pour effet de rendre d’immenses zones incapables par la force de chose de jouer leur rôle d’absorption, devenant ainsi complètement imperméables.

Sur ce dernier point, nous pensons que, plus que jamais, tout devrait être mis en oeuvre pour limiter le rejet des eaux de pluie dans les égouts, différer les arrivées d’eau dans le secteur public pour, au final donc, réduire les risques d’inondation. En captant une bonne partie de ces eaux pluviales, les toits plats végétalisés devraient jouer un rôle plus qu’appréciable, question de limiter les dégâts.
D’autre part, par temps trop secs, en rejetant de l’humidité dans l’air, les plantes rendent le taux d’hygrométrie des environs immédiats plus supportable et contribuent aussi au rafraichissement de l’air. Dans tous les cas, l’opération est gagnante.

De plus et c’est incontestable, les toits colonisés par des plantes et autres végétaux permettent l’essor d’une plus grande biodiversité à laquelle les insectes volants — abeilles en tête —, oiseaux et petits animaux sont très sensibles.

À ce sujet, ces toits verts bien pensés constituent des éléments indispensables au maillage vert du paysage dans lequel ils s’inscrivent. Dans le même esprit, ils participent à l’assainissement de l’air en neutralisant, en partie du moins, les particules fines, photosynthèse oblige. Bref que du bon, surtout en villes et autres zones urbaines où le niveau de pollution de l’air reste dramatiquement d’actualité.

Des gains énergétiques

Penchons-nous maintenant sur les avantages énergétiques, à savoir les économies d’énergie -en hiver comme en été- permises grâce à la végétalisation des toits. En effet, un toit bien isolé et bien ventilé, doté d’un toit vert va permettre des économies de chauffage en hiver et éviter l’usage de climatiseurs en été.

En hiver, selon l’épaisseur et la qualité du substrat mis en place, des gains de 1,5 °C pourraient être atteints Par contre, ce que l’on sait, résultats d’analyses menées au Canada à l’appui, c’est que sous certaines conditions rencontrées par exemple au Canada mais qui ne peuvent être prises comme référence dans nos contrées En été, la température d’un toit plat pouvant atteindre de 65 à 70 °C sous un soleil écrasant va diminuer jusqu’à ne plus afficher que 15 à 20 °C maximum.

En outre, installée selon les normes en la matière, de préférence par un professionnel voire avec les conseils d’un architecte, la durée de vie des recouvrements habituels des toits plats moins tributaires des conditions climatiques extrêmes (contraste élévé entre les températures, fortes chaleurs associées aux rayons ultraviolets du soleil, pluies abondantes, gel etc) va être considérablement augmentée ce qui sera, à terme, plus économique. De plus, en matière de confort de vie, la végétalisation des toitures va protéger les alentours des poussières soulevées par le vent.

Une isolation phoniques

Abordons maintenant le confort acoustique appréciable apporté par l’isolation phonique que permet de réaliser la mise au vert des toits. Il est incontestable mais doit être cependant relativisé. Ainsi, les bruits occasionnés par le trafic automobile ou aérien ou encore lors de fortes chutes de pluie seraient nettement diminués, ne fût ce qu’avec un toit bien isolé et recouvert de mousse végétale. Mais, évidemment et par définition, si l’on songe aux immeubles à appartements, par exemple, cet avantage ne serait apprécié que par les personnes vivant au dernier étage...ce qui freinerait peut être l’ardeur des copropriétaires à mettre la main au portefeuille au moment de réaliser les travaux. Par contre, le même effet serait tout profit pour les toits de bâtiments tels des entreprises, des ateliers de travail, des surfaces commerciales, des écoles, des espaces culturels ou des halls sportifs.

Une plus-value esthétique

Enfin, du point de vue purement esthétique, les toits végétalisés dans une ville encaissée en fond de vallée comme Liège, une fois que l’on a pris un peu de hauteur, sont incontestablement plus plaisants à regarder que leurs homologues tapissés de roofing. Les toits plats intensifs tels de vrais jardins d’agrément peuvent amener une multitude de couleurs dans la ville (tout comme les extensifs mais dans une moindre mesure, essentiellement dans les tons jaunes et rouge) et modifier également le paysage au fil des saisons. Ils peuvent également jouer le rôle de lieu d’apaisement, serein, sorte de bulle dans la cohue urbaine. Un plus incontestable qui devrait parler aux citadins stressés...

Du bon usage potentiel des toits plats à Liège

Si, il y a un plus plus de cinquante ans, à Liège comme ailleurs, les architectes privilégiaient les toits plats pour les maisons neuves, c’est qu’il leur semblait que cela correspondait au top de la modernité. En réalité, c’est le mouvement artistique Bauhaus de l’entre deux guerres qui fut le premier à ériger le toit plat des constructions cubiques comme le plus rationnel mais aussi comme symbole de l’anticonformisme ; opposé en cela au toit pentu, couvert de tuiles, passant pour bourgeois ou démodé car trop imprégné de régionalisme.

Les traces de cette dynamique conception de l’architecture sont présentes dans la Cité ardente mais hélas, n’ont semble-t-il, pas été répertoriées. Plébiscitées par d’audacieux propriétaires, ces constructions sont plus ou moins réparties sur tout le territoire, et plus particulièrement dans les quartiers de Sainte-Walburge, Naimette-Xhovémont et de Cointe à la limite de Sclessin.

Mais à côté de ces constructions pensées ainsi, nombre de bâtisses présentent également des toits plats, en réalité, des ex-toits en pente ayant été bombardés durant la seconde guerre mondiale et jamais reconstruits depuis. C’est particulièrement le cas en Outremeuse. Or, du moins à première vue, ces espaces sont généralement laissés en état, c’est à dire juste recouverts d’isolants sommaires. Il est même étonnant que ce quartier typique qui comprend tant de zones historiques protégées présente — de fait — un certain nombre d’habitations amputées de leur toit d’origine sans qu’aucun incitant ou obligation à le reconstruire ne soit mis en place.

En réalité, nous ne pourrions être plus précis car il n’existe pas de recensement des toitures plates de Liège par les services de l’urbanisme.

Nous trouvons cela regrettable car, bien informés sur la valorisation de ceux-ci, les propriétaires ou copropriétaires directement concernés pourraient être à même de faire un pas dans la bonne direction.

Ici, pour rappel, nous avons évoqué les maisons de type unifamilial ou petits immeubles. À côté de cela — et ce sont les plus visibles —, les buildings, les entrepôts, les bâtiments industriels, les immeubles de grande taille et notamment les bâtiments publics comme il en existe tant sur les berges du fleuve, constituent l’essentiel des toits plats concerné par le sujet de notre analyse.

Nous regrettons également que les primes de la Ville de Liège concernant la végétalisation des toitures plates aient été supprimées fin 2012. Ce fait est d’autant plus dommage qu’en Wallonie, seule la Ville de Liège offrait ces dites primes. À Bruxelles comme en Flandre, par contre, elles demeurent d’actualité. Pour être complet, signalons que depuis janvier 2013, dans le cadre général des économies d’énergie, argumentant que le faible montant des dites primes n’incitait pas spécialement à passer à l’acte, la Ville de Liège encourage plutôt les actions d’accompagnement et les prêts à taux zéro.

En résumé

Nichée dans le fond d’une cuvette, traversée par un fleuve, la cité ardente pourrait être caractérisée par un maillage vert d’une grande richesse dès lors que la végétalisation des toits plats serait planifiée et réalisée. Pour y arriver, il serait souhaitable d’inciter les services communaux de l’urbanisme, dans les différentes communes de l’agglomération, à recenser l’ensemble des toitures plates sur son territoire et sensibiliser leurs propriétaires aux bénéfices qu’ils pourraient retirer de leur végétalisation. Cette sensibilisation pourrait être notamment réalisée via les mairies et comités de quartiers.

Quant à la Région wallonne qui pourrait déjà donner l’exemple en verdurisant de manière presque systématique les toitures des édifices publics, il nous paraitrait souhaitable qu’elle rétablisse l’octroi de primes réellement attractives. Idéalement, celui-ci devrait être conditionné à une isolation optimale des toits ainsi qu’une ventilation performante de ceux-ci, question d’être cohérent et pragmatique. En effet, si ces deux dernières conditions ne sont pas respectées, la simple mise au vert des toits ne suffit pas à réaliser les économies et procurer les si nombreux avantages attendus.

Enfin, si, dans certains pays, les autorités pénalisent les sociétés et entreprises dotées de toits plats non végétalisés en leur imposant une taxe annuelle au mètre carré ou encore, dans le cadre de nouvelles constructions ou agrandissements, en rendant la végétalisation des toits plats ou faiblement inclinés obligatoire, nous préfèrerions que ces mêmes sociétés ou entreprises tout comme les particuliers soient concernées par l’octroi de primes et autres avantages fiscaux.

Cette publication a reçu le soutien
du ministère de la culture,
secteur de l'Education permanente

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