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Le chaînon manquant

Un journal en ligne sur les questions urbaines à Liège
jeudi 28 novembre 2013

Analyse

Aller à l'hôpital quand on n'a pas de voiture

Quelle accessibilité aux services hospitaliers à Liège pour les personnes non motorisées ?

Une analyse des impacts urbains du regroupements des hôpitaux du CHC vers Glain et quelques hypothèses d’amélioration de la situation.

28 novembre 2013 - par Alain Vito

Le Centre hospitalier chrétien (CHC) de Liège est en passe de faire aboutir le projet — décidé au printemps 2008 |1| — de regrouper ses trois implantations en un seul grand hôpital nommé « Mont-Légia », sur le site des anciens charbonnages de « Patience & Beaujonc », à Glain |2|. Les cliniques Saint-Joseph (dans le quartier Sainte-Marguerite), de l’Espérance (à Montegnée, sur le territoire de la commune de St Nicolas) et de Saint-Vincent à Rocourt (extrême-Nord du territoire communal liégeois) se préparent donc à déménager dans les prochaines années. Cette décision est en partie la conséquence des contraintes économiques édictées, au niveau fédéral, par le ministère de la santé : pour continuer à bénéficier de subventions, l’offre hospitalière doit se rationaliser.

Tant qu’à faire, ce centre hospitalier privé envisage, dans une deuxième phase de s’intégrer dans un nouveau quartier à construire, avec des complexes de bureaux et du logement. Dans un premier temps, il n’est cependant prévu de construire que le nouveau centre hospitalier et quelques commerces y attenant.

Le détail du projet et les aléas procédurières seront analysées par ailleurs |3|. Ce texte s’attarde surtout sur les enjeux que représente ce déménagement pour la vie urbaine. L’enjeu essentiel que ce déménagement pose est en effet à nos yeux l’accès aux fonctions hospitalières à Liège depuis le centre-ville, singulièrement pour les personnes non motorisées. L’hôpital St-Joseph est aujourd’hui en effet le seul qui soit facilement accessible en transport en commun. Les deux autres services d’urgence sont situés à la Citadelle (CHR) et au Sart-Tilman (CHU), deux lieux géographiquement isolés du centre par le relief et donc difficilement accessibles en vélo ou à pied, et dont les accès routiers sont continuellement embouteillées.

Un état des lieux de l’offre hospitalière à Liège

Quinze sites hospitaliers sont actuellement recensés sur l’arrondissement de Liège (dont quatre de soins spécialisés). Ils sont représentés sur la carte ci-dessous.

Trois d’entre eux seront donc remplacés par le projet du « Mont-Légia », développé par le CHC à Glain, accentuant un peu plus un lent mouvement de délocalisation de l’offre hospitalière vers la périphérie urbaine, amorcé avec la désaffectation du grand hôpital de Bavière. Bien sûr, la localisation des infrastructures hospitalières répond à des exigences extrêmement fortes, qui expliquent en partie ce mouvement vers des lieux bien desservis par le réseau routier et autoroutier, et où la construction des bâtiments rencontre moins de contraintes qu’en milieu dense.

N’empêche : en localisant sa nouvelle implantation de long de l’autoroute, le CHC a externalisé les coûts en mobilité de son déménagement sur les pouvoir publics, qui ont prévu d’aménager une nouvelle sortie d’autoroute spécifique : en guise de rationalisation des dépenses, on a vu mieux. Vu le choix géographique de la nouvelle implantation, et dans les conditions actuelles de l’offre de transport public, il est indéniable que l’accès en voiture individuelle est fortement privilégié. Les ambulances auront également des facilités évidentes et indispensables.

En Haute-Meuse, on ne trouve plus aucun service hospitalier dans la vallée, à Flémalle, Seraing, Engis (l’hôpital du Bois de l’Abbaye, situé sur les hauteurs de Seraing, étant assez difficile d’accès depuis les principaux noyaux d’habitat de la vallée).

En Basse-Meuse, la situation est un peu meilleure, avec la présence de deux sites hospitaliers (Château-Rouge et André Renard) dans le cœur de ville d’Herstal et un autre à proximité de Visé (Clinique Notre-Dame, à Hermalle-sous-Argenteau).

Quant au cœur urbain de Liège, si l’on excepte les services de soins spécialisés (gériatrie et psychiatrie), seule restera, après la fermeture du site de St Joseph, la clinique Sainte-Rosalie (dépendant du CHR de la Citadelle), dans le quartier du Laveu.

La question se pose donc de savoir comment il est possible de garantir une accessibilité satisfaisante pour tous les citoyens aux services hospitaliers — sachant par exemple que plus de 40% des foyers de la Ville de Liège ne disposent pas d’une voiture.

Quelques pistes

Nous proposons ici quelques réflexions pour améliorer la situation, .

1. Un nouveau site hospitalier en rive droite

Avec la fermeture du site de St Joseph, beaucoup de Liégeois non motorisés vont perdre la possibilité d’accéder facilement à un service hospitalier. Nous prônons la création d’une nouvelle polyclinique dans le centre urbain de Liège, de préférence en rive droite sur la boucle du 4 (Longdoz, Outremeuse,...).

2. La réalisation de la transurbaine, vite

Le projet de « transurbaine » |4|, même si l’on n’a pas encore dépassé le stade de l’étude pour aller vers celui de l’intention politique, vise à l’implantation d’une nouvelle ligne de transport urbain structurant perpendiculaire à l’axe 1 du tram. En rive gauche, le tracé envisagé est très proche de celui qu’urbAgora propose depuis 2008. Cette ligne sera parfaitement complémentaire à la construction de l’hôpital du « Mont-Légia » et, plus généralement, au développement du site du CHC. Il est donc temps à présent de dépasser le stade de l’intention, et de mettre en route le processus de mise en œuvre de cette ligne de tram, sans laquelle la mobilité dans tout le Nord-Ouest de la Ville va devenir très compliquée.

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Schéma extrait de l’étude Transurbaine, sur laquelle on voit le tracé envisagé pour cette possible ligne de tram transversale, passant par le site du futur hôpital « Mont-Légia ».

3. La mise en service d’une ligne de bus entre les Guillemins et la gare d’Ans via le site de Glain

En attendant la réalisation de la transurbaine, et d’une certaine manière en l’anticipant (et donc en créant peu à peu son public), nous proposons de profiter de la réorganisation des réseaux de bus prévue suite à la construction de la première ligne de tram pour mettre en service, dès l’inauguration de l’hôpital, une ligne de rocade de 10,5 km de long, qui relierait la gare des Guillemins à la gare d’Ans, en desservant les quartiers de Cointe, Laveu, St-Nicolas, Burenville et le CHC à Glain. Cette ligne contribuerait à inscrire l’hôpital dans son environnement urbain, mais elle aussi de nombreux autres avantages, notamment en connectant la gare d’Ans sur les quartiers du « croissant d’or ».

Cette ligne pourrait logiquement voir son tracé modifié une fois la Transurbaine mise en service, de façon à éviter de faire doublon avec celle-ci. Une variante possible, basée sur les débats ayant eu lieu dans le cadre du PUM et durant l’étude de la Transurbaine, consisterait à placer le terminus de cette ligne à Rocourt (à l’emplacement de la future gare REL), lui permettant ainsi de desservir l’ensemble du plateau ansois, et notamment les importantes implantations commerciales qui s’y trouvent situées.

Notons aussi que le CHC prévoit la mise en place, en concertation avec les syndicats, d’un plan de mobilité interne à l’entreprise. Nous pensons que toutes les hypothèses de réduction d’utilisation de la voiture individuelle doivent être envisagées, mais que les réalisations structurelles qui favoriseront les habitants du centre-ville ne sont pas du ressort de l’entreprise. Celle-ci peut au mieux favoriser le co-voiturage (depuis la périphérie) et prévoir des cheminements piétons et cyclistes depuis les arrêts de transport en commun dans l’aménagement de son site : encore faut-il savoir avec précision où ils se situeront.

4. Le téléphérique vers la Citadelle

Fort logiquement, dans un contexte de forte concurrence hospitalière et en réponse à l’investissement public annoncé à Glain, l’hôpital public du CHR de la Citadelle revendique lui aussi, en manière de compensation et parce que sa situation devient d’année en année plus difficile au plan de la mobilité, la réalisation d’un nouvel accès routier, sous la forme d’un prolongement de l’autoroute E313 par un « boulevard urbain » qui donnerait un accès direct à ses parkings, en profitant de la zone de réservation qui est toujours présente au plan de secteur |5|.

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Extrait du plan de secteur figurant la zone de réservation prévue pour le prolongement de l’autoroute E313.

Ces aménagements sont extrêmement coûteux et visent essentiellement la population péri-urbaine. Nous sommes alarmés, une fois de plus, par les facilités qui sont systématiquement pensées et octroyées aux habitants péri-urbains, tandis que les habitants du centre-ville sont oubliés. Pour que les liégeois restent et reviennent en ville, il faut à l’inverse favoriser prioritairement l’accès aux fonctions urbaines depuis les quartiers centraux les plus denses.

Nous demandons par conséquent la réalisation immédiate d’un aménagement largement moins coûteux : le téléphérique qui relie le quartier St-Léonard à la Citadelle |6|.

L’hôpital de la Citadelle a aujourd’hui l’opportunité de redevenir l’hôpital urbain qu’il aurait du rester. Il sera désormais le plus proche du centre. Ses accès doivent par conséquent prioritairement être réalisés. S’il est réalisé, le boulevard urbain devra se connecter avec le P+R prévu à Sainte-Walburge et desservir aussi bien l’hôpital que le centre ville par une combinaison entre la navette et le téléphérique. La réalisation de ce nouveau tronçon cumulerait ainsi plusieurs fonctions, notamment l’accès aux commerces le samedi, lorsque les parkings de la Citadelle sont les moins remplis.

5. Une remontée mécanique depuis la gare de Tilff vers le Sart-Tilman

Enfin, le cas du CHU est loin d’être le plus simple : il dépend en effet du casse-tête que représente le site du Sart-Tilman. Et malgré la difficulté d’accès çà ce site hospitalier (dont témoigne l’engorgement de plus en plus difficile à gérer des parkings qui l’entourent et le temps de parcours nécessaire pour l’atteindre en bus), en particulier, le déploiement d’une ligne de transport structurant n’est pas à l’ordre du jour et ne se sera sans doute pas avant 10 ou 15 ans.

Nous identifions cependant une possibilité d’amélioration significative, dans le cadre du développement d’un réseau express régional, en lien avec la gare de Tilff, qui ne se trouve qu’à quelques centaines de mètres, à vol d’oiseau.

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Vue satellite sur laquelle on voit la proximité, à vol d’oiseau, entre la gare de Tilff et le CHU.

Nous pensons qu’une remontée mécanique — téléphérique, chemin de fer à crémaillère ou autre — pourrait connecter cette petite gare et le site de l’hôpital, ce qui permettrait à la fois de limiter la saturation du site de l’hôpital et de justifier l’augmentation du service ferroviaire en gare de Tilff. ce faisant, c’est non seulement la liaison avec le centre de Liège qui serait fortement améliorée (temps de parcours en train entre Tilff et les Guillemins : 10 minutes, contre 22 en bus), mais également avec les vallées de l’Ourthe et de l’Amblève |7|. Cette liaison mécanique offrirait également d’intéressantes potentialités pour améliorer la desserte de la partie Sud du campus universitaire du Sart-Tilman (ADEPS, clinique vétérinaire, Botanique,...).

Conclusion

L’accès aux soins de santé fait partie des fondamentaux. À une époque où l’usage de la voiture individuelle commence à refluer, c’est une préoccupation qui doit être prise en compte de façon prioritaire dans le développement des réseaux de transport en commun et dans la localisation des grandes infrastructures de santé publique.

|1| En dépit des critiques portées par quelques rares acteurs associatifs, notamment urbAgora.

|2| On trouvera une présentation du projet sur le site du CHC.

|3| Analyse d’urbAgora à paraître début 2014.

|4| Cf. Les enseignements de la Transurbaine, décembre 2011.

Cette publication a reçu le soutien
du ministère de la culture,
secteur de l'Education permanente

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