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Le chaînon manquant

Un journal en ligne sur les questions urbaines à Liège
samedi 31 juillet 2010

En ville

Quelle mobilité pour Ans-Rocourt ?

31 juillet 2010 - par François Schreuer

L’ensemble formé par les localités de Rocourt (Ville de Liège) et Alleur (commune d’Ans) est devenu, au fil des années, rien moins que le principal pôle commercial situé en périphérie d’une grande ville wallonne.

À force de laisser se multiplier de manière anarchique les « boîtes à chaussure » commerciales entourées de vastes de zones de stationnement, la mobilité est devenue intenable dans un réseau viaire nullement prévu pour absorber le trafic généré par les mastodontes commerciaux qui se trouvent dans la zone. Il est à craindre que la réalisation, actuellement en cours, d’un plan de mobilité spécifiquement consacré à « Ans-Rocourt » n’y apporte guère de réponses satisfaisantes dans le long terme.

En effet, si ces problèmes de mobilité relèvent aujourd’hui de l’évidence pour tout observateur, leur analyse et la formulation de solutions pour les résoudre nous paraissent en effet loin de tomber sous le sens — et certaines des orientations qui semblent retenir aujourd’hui l’attention des pouvoirs publics méritent d’être discutées.

N’ayons pas peur des mots : ce territoire urbain, dans sa fonction commerciale, est devenu, au fil des années, un contre-exemple total en matière d’urbanisme. Le problème est de plus en plus complexe à gérer au fur et à mesure que s’accumulent, sans aucune planification, les surfaces commerciales extensives et leurs hectares de parking, le long de voiries qui ne sont, et pour cause, pas dimensionnées pour accueillir les flux conséquents générés par cette activité. Aujourd’hui, sans surprise, la situation relève du casse-tête. Les embouteillages sont systématiques et portent, on le suppose, préjudice à l’activité économique. Logiquement, les gestionnaires des grandes enseignes commerciales s’agitent et exigent les solutions qui leur semblent les plus efficaces à court-terme.

Et, en effet, dans un contexte de congestion automobile, la construction de nouvelles voiries, voire le déploiement d’un transport en commun plus efficace peuvent apparaître comme relevant du bon sens. Nous ne pensons cependant pas que, a minima, ces orientations soient suffisantes.

La construction de nouvelles voiries sans remise en cause du mode d’urbanisation en vigueur nous semble consister en une fuite en avant — en permettant l’urbanisation de terrains que la saturation actuelle du quartier rend quasiment impossible —, qui ne fera que différer de quelques années l’adoption d’une nouvelle politique urbanistique pour le quartier, tout en la rendant plus douloureuse.

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Quant au transport en commun, compte tenu de la façon dont la zone a été urbanisée, tout entière orientée vers la voiture individuelle, nous ne pensons pas qu’il soit à même de constituer une alternative sérieuse sans une profonde remise en cause urbanistique. Tant que le tissu urbain restera aussi déstructuré qu’il l’est aujourd’hui — notamment par le parking qui constitue, presque partout, une véritable barrière physique entre l’entrée des magasins et la voie publique —, on ne peut guère compter que sur les usagers captifs du transport public pour préférer celui-ci à l’automobile pour laquelle tout a été pensé.

La principale chose à faire pour qui veut s’attaquer sérieusement aux problèmes de mobilité que connait Rocourt, c’est donc sans doute de remettre en cause de façon sérieuse le type d’urbanisation qui y prévaut depuis quelques décennies. On peut identifier quelques principes qui pourraient alimenter la réflexion dans ce sens.

— Instaurer, si possible à un échelon supra-communal, un moratoire sur les nouvelles implantations commerciales dans la zone de Ans-Alleur-Rocourt, jusqu’à ce qu’un master plan implémentant une nouvelle orientation de développement soit adopté. Ce master plan principalement devrait viser à restructurer le territoire autour d’axes urbains lisibles et suffisamment larges pour y faire cohabiter tous les usagers, favoriser la densité (notamment en promouvant la mitoyenneté, la valorisation des toitures, la construction à des hauteurs supérieures aux tristes rez-de-chaussée actuels), créer des espaces publics (aujourd’hui notoirement absents), rendre le territoire préhensible et perméable à l’échelle du piéton, faire refluer l’imperméabilisation massive des sols, de cette façon rendre progressivement une pertinence au transport public,... Bref : créer un nouveau morceau de ville là où le centre de Rocourt n’est, tout au plus, qu’un « zoning ».

— Considérer les terrains formant la ZACC dite de l’ancien Charbonnage Ans-Rocourt (le « CAR », dans le jargon des fonctionnaires et urbanistes liégeois) comme une réserve foncière à préserver pour l’avenir. Dès lors que les possibilités de bâtir du logement dans des zones plus centrales de la ville demeurent nombreuses, le lotissement de ce terrain, envisagé avec de plus en plus d’insistance, quoique la chose semble encore faire débat, serait à nos yeux une erreur, captant des investissements qui seraient beaucoup plus utiles en d’autres lieux. En outre et surtout, ce terrain — propriété de la Ville de Liège pour sa plus grande partie — est, à notre connaissance, le plus grand terrain bâtissable non occupé sur le territoire de la Ville. Il constitue donc un enjeu stratégique : sa préservation permettra, demain, d’accueillir, par exemple, un grand équipement. La création d’un lotissement extensif — ou de toute autre fonction urbanistiquement complaisante — sur ce terrain serait à nos yeux ni plus ni moins qu’un gaspillage, qu’une hypothèque sur l’avenir.

— Faire de la réouverture de la ligne ferroviaire reliant Ans à Liers une priorité politique, c’est-à-dire faisant l’objet d’un relai au niveau fédéral par les élus et forces vives dont seule la conjonction des forces est à même de permettre un investissement ferroviaire d’être aujourd’hui réalisé. Cette ligne permettrait a minima des arrêts à Alleur (un arrêt pourrait être facilement créé au croisement de la bien nommée « rue du zoning », à proximité immédiate des enseignes « Makro » et « Décathlon » et pas très loin de l’axe de la rue des Français) et Rocourt (au croisement de la Chaussée de Tongres, sur le site, ou à proximité immédiate, de l’ancienne gare). En conséquence, localiser, dès à présent, les nouveaux développements urbanistiques attendus à proximité de ces arrêts, avec une exigence renforcée de densité (i.e. mitoyenneté, élévation du bâti, parking en sous-sol,...) et de perméabilité des flux piétons.

— Orienter prioritairement vers la gare d’Ans plutôt que vers Rocourt la ligne de TCSP (BHNS ou tram) envisagée depuis le centre de Liège via St Nicolas. En cohérence avec l’idée de ville multipolaire, que nous défendons et qui contribue à structurer nos réflexions sur la ville, la gare d’Ans nous semble en effet devoir être confirmée et renforcée dans son statut de principal pôle d’échange de la mobilité en commun au Nord-Ouest de l’agglomération. Plutôt que de desservir Rocourt via cette ligne (dont les performances sur le trajet vers le centre-ville risqueraient d’ailleurs d’être assez moyennes, compte-tenu du grand détour à effectuer), nous pensons qu’il est préférable de renforcer l’axe de bus venant directement du centre-ville, notamment en établissant un site propre aussi complet que possible sur l’axe de la Chaussée de Tongres (en prévoyant éventuellement un prolongement vers la gare d’Ans).

Sans une perspective plus large, intégrant donc une réorientation en profondeur de la politique urbanistique, la solution de court terme actuellement proposée semble tout à fait inacceptable. La poursuite du développement du réseau routier rocourtois ne peut se justifier que comme un moyen de garder la situation sous contrôle pendant que des solutions de long terme sont développées.

Cette analyse est basée sur l’intervention écrite faite par urbAgora dans le cadre de l’étude d’incidence sur l’environnement portant sur le plan de mobilité de la zone « Ans-Rocourt », intervention dûment communiquée aux autorités communales concernées.

Cette publication a reçu le soutien
du ministère de la culture,
secteur de l'Education permanente

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