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mardi 5 mai 2009

Edito

De quelques différences entre le sondage d'opinion et le référendum populaire

5 mai 2009 - par François Schreuer

Une ministre — Marie-Dominique Simonet, pour ne pas la citer — raille publiquement |1| le fait que « ceux qui s’offusquent du sondage [soient] ceux qui réclament des référendums ». On a du mal à croire que cette assertion puisse être faite au premier degré. Et pourtant, il semble que ce soir bel et bien le cas. Ceci mérite assurément quelques explications. Pointons simplement trois différences entre le sondage d’opinion et le référendum.

1. Le choix des questions soumis à la discussion démocratique. Dans un référendum (ou, en ce qui concerne la Belgique où le référendum n’existe pas, une consultation populaire d’initiative citoyenne), c’est un mouvement citoyen qui choisit la question à poser (et il lui faut alors convaincre des milliers de citoyens pour valider la tenue du scrutin). Dans le cas d’une consultation populaire d’initiative publique, le choix de la ou des questions est là aussi soumis au débat public, puisqu’il réclame le vote d’une assemblée. Qui a décidé du questionnaire du sondage voulu par M. Daerden ? Un cabinet ministériel en campagne aidé d’un institut de sondage payé par lui.

2. Une interprétation pluraliste des résultats. À ce jour, la diffusion des résultats du sondage s’est faite de la manière la moins démocratique qui soit : par le biais d’une « fuite » orchestrée (de longue date) vers un média particulier. Ce média, compte tenu des résultats dont il disposait, aurait pu parler d’« un sondage manipulé », aurait pu écrire que « malgré cela, seulement 27% des sondés jugent le projet indispensable ». Il a titré sur « 82% de [sondés] favorables », posant de ce fait comme base à la discussion un point de vue biaisé sinon partial, mettant derechef en demeure de se justifier un mouvement associatif qu’une interprétation un brin critique du sondage aurait pu conforter. Il n’est toujours pas possible à ce jour au citoyen de prendre connaissance en détail des résultats du sondage. Si le document de 50 pages contenant les informations détaillées sur le sondage est un jour disponible pour le public, ce ne sera probablement pas avant que l’effet médiatique ait joué pleinement son rôle grossissant et déformant. Voilà une seconde différence avec le référendum dont les résultats sont instantanément disponibles pour tous.

3. Un débat public préalable au vote. Tertio, l’organisation d’une consultation mène à la tenue d’un grand débat public avant qu’ait lieu le vote. Les personnes peu ou mal informées sur la question posée disposent du temps de consulter des sources contradictoires pour se faire une opinion. Les différences tendances de l’opinion publique ont l’occasion de faire valoir leurs arguments dans des « cartes blanches » (ces derniers mois, tous les textes soumis par les opposants à CHB ont été refusés par les rédactions des grands quotidiens) ou dans des débats télévisés (rappelons que jamais un débat télévisé n’a été organisé sur CHB). Les résultats du sondage affirment que 100% de sondés se sont estimés capable d’une opinion éclairée sur dossier (un quart de ceux-ci après avoir reçu une information sommaire de la part du sondeur). Outre que ce chiffre est démenti par le sondage lui-même (puisqu’il montre qu’une majorité de sondés ont des opinions erronées au sujet d’éléments factuels, qui ont fait l’objet d’études techniques approfondies), on peut se demander quelle est la nature des « explications sommaires » données par l’institut de sondage.

Cette affaire est tellement grossière, tellement cousue de fil blanc, qu’elle devrait provoquer un grand éclat de rire libérateur. Voir, en la personne de Mme Simonet, une responsable politique de premier plan accorder crédit à cette manoeuvre ne fait à nos yeux que jeter une lumière terriblement crue sur l’état du régime politique dans lequel nous vivons.

|1| Le Soir du 5 mai 2009.

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