Visite du tramway de Reims

par François Schreuer le 3 juin 2011

Le 19 mai dernier, une délégation de tramliege.be a pu visiter, à l’invitation du bureau Richez, auteur du projet et impliqué dans les études du tram de Liège, le tout récent tramway de Reims, inauguré en avril. Compte-rendu de ce déplacement.

Reims, capitale de la Champagne et ville historique, est une agglomération d’environ 220.000 habitants (dont 180.000 dans la ville centre), ce qui en fait la 29e agglomération française par la taille.

Après la mise en service, en 2007, du premier tronçon du TGV Est, qui dessert, en périphérie Sud de la ville, la nouvelle gare TGV de Bezannes, la « cité des rois » vient de se doter d’une ligne de tramway de 11,2 km, desservie par 23 stations, pour un budget total de 345 millions d’euros (soit une trentaine de millions au kilomètre).

Dans l’ensemble, l’insertion urbaine du tramway de Reims est une réussite : l’espace dévolu à la voiture a été drastiquement réduit, au bénéfice de la qualité des espaces publics, dans le centre-ville notamment. La silhouette caractéristique et élégante du tramway s’est imposée dans le paysage avec une certaine évidence.
L’alimentation par le sol (APS), système développé par l’inévitable société Alstom, semble désormais fonctionnelle après des débuts cahoteux à Bordeaux. Si ce système permet de libérer le paysage d’une caténaire que d’aucuns jugent malvenue, il implique aussi des surcoûts non négligeables, en particulier en raison du fait que le système est aujourd’hui la propriété d’une unique société, à laquelle on est obligé de s’adresser pour l’achat de matériel roulant supplémentaire.

Ce projet a été réalisé dans le cadre d’un « Partenariat Public Privé » (PPP), soit une privatisation quasiment complète de l’infrastructure comme de l’exploitation puisqu’il s’agit d’une « concession globale privée » à la société « MARS » (Mobilité agglomération rémoise). Ce consortium constitué pour l’occasion réunit des opérateurs de transports (en particulier ALSTOM Transport et Transdev) mais aussi d’autres sociétés, y compris financières [1]. Le conflit d’intérêt est patent.

Prévoyant à l’horizon de 2030, une extension considérable de leur réseau, les décideurs rémois ont, dès la construction de leur première ligne, prévu la pose des aiguillages qui faciliteront la poursuite de son développement.

Le tramway rémois est actuellement exploité par 18 rames de type CITADIS 302 (5 caisses, longueur totale de 32,4 m, largeur de 2,4 m, plancher 100% plat, 206 places dont 48+6 assises, puissance 480 kW). Un travail de design a été effectué pour lui donner une identité visuelle propre, qui se traduit par un « nez » en forme de flute de champagne et des déclinaisons colorées (Fuschia, Lavande, Pistache, Mandarine,...) très visibles dans l’environnement urbain marqué par la pierre blanche des façades du centre-ville. Trois rames ont cependant été laissées grises pour pouvoir servir de support publicitaire.

Sur le plan technique, on notera notamment le recours au procédé « APPITRACK » [2] pour la pose des voies. Ce dispositif (développé par la société Alstom) d’automatisation de la pose des voies permettrait une réduction importante du temps de pose mais aussi un positionnement précis du rail sans besoin de réajustement ultérieur.

Le Cours Langlet, l’une des grandes réussites urbanistiques du projet.

Fait notable : la ligne de tram est clairement présentée comme la première phase d’un projet qui doit s’étaler sur plusieurs décennies. Un master plan à l’horizon 2030 a été adopté (qui compte pas moins de 5 lignes !) et les aiguillages ont d’ores et déjà été posés pour permettre l’extension du réseau.

Parmi les points faibles, on note l’absence quasiment totale d’interaction avec le vélo : on ne trouve pas même des espaces de stationnement vélo aux arrêts du tram. L’explication qui nous a été donnée par les bureaux d’étude présents : ce point avait été « oublié » dans le cahier des charges du PPP. Celui-ci n’étant plus modifiable une fois le marché conclu, il faudra attendre une prochaine phase de travaux pour réparer cet oubli. Autre défaut du PPP, toujours selon les bureaux d’étude rencontrés : il place des acteurs privés en situation de poser des arbitrages qui relèvent de l’intérêt public tout en ayant une incidence sur leur propre marge bénéficiaire (le choix des matériaux, par exemple).

La mise en œuvre du tram s’est accompagnée d’une importante opération de plantation et de verdurisation. 100 000 m2 de gazon et près de 2 500 arbres ont été plantés au cours de l’opération.

Une tarification plutôt attractive a été mise en place : le ticket valable une heure (correspondances illimités) revient à 1,30 €, (carnet de 2 tickets à 2,30 €, carnet de 10 tickets à 10 €). Le stationnement dans les parking relais est facturé 3 € la journée. Le ticket valable sur tout le réseau pour une journée et un nombre de voyages illimité revient à 3,30 €. Le ticket 24 heures 5 personnes revient à 5 €. Il existe la gamme habituel de tarif réduit pour les étudiants, plus de 65 ans, invalides. Les titres occasionnels sont proposés sur le Ticket rechargeable qui coûte 0,30 € à l’achat et qui peut se recharger jusqu’à 4 fois, la carte Grand R, carte personnalisée et rechargeable est proposée comme support obligatoire pour les abonnements. Les titres occasionnels et abonnements peuvent être achetés dans des distributeurs automatiques présents dans les stations.

Les parkings-relais proposent une politique tarifaire discriminatoire au bénéfice des automobilistes (on paie nettement moins cher le transport en commun si on a la possibilité de garer une voiture dans une parking relais que si on se contente de prendre le tramway à côté de chez soi)...
... en dépit de cette politique tarifaire, le parking-relai de Neuchâtel était quasiment vide lorsque nous l’avons visité (un jour de semaine en fin de matinée, pourtant).
L’aménagement intérieur des rames est assez classique. La largueur de 2,4 m limite cependant les possibilités d’aménagement intérieur par rapport à des caisses un peu plus larges. On notera le système de validation des titres de transport : la mise en service du tramway est accompagnée d’une nouvelle billetique totalement dépourvue de contact sur tout le réseau de la CITURA, y compris pour les tickets unitaires.
Si l’arrivée du tram s’est accompagné de la piétonnisation de nombreuses artères, des dispositifs souples ont été mis en place pour la livraison des commerces ou d’autres impératifs pratiques. Ici, les livraisons sont autorisées à certaines heures. Les livreurs empruntent le site propre des trams et stationnent dans les espaces piétons.
À l’extrémité Sud du réseau, vers la gare de Bezannes, la ligne passe en voie unique, pour limiter les coûts.
PPP oblige, le centre de maintenance est géré par... Alstom.

[1Bouygues Travaux Publics, Quille, Pertuy Construction, Colas, SNC-Lavalin International Inc, le Fideppp (Natixis Environnement), la Caisse d’Epargne et de preévoyance Lorraine Champagne Ardenne et CDC Infrastructure, filiale de la Caisse des Dépôts.

[2L’acronyme de « Automatic Plate and Pin Inserter for Trackwork », soit : « machine d’insertion de traverses et de tire-fonds pour voies ferrées ».

Dernière modification de cette page : lundi 14 novembre 2011.

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