Quand M. De Lamotte se met le doigt dans l’oeil

Dans la Gazette de Liège de ce mercredi, on peut lire « la phrase » du jour, attribuée à Michel de Lamotte, député wallon et conseiller communal à Liège (CDH) :

« La liaison CHB, dernier maillon d’un ring autoroutier liégeois, permettra le désengorgement de Rocourt, dans la partie la plus chargée du tronçon ring nord. »

On ne polémiquera pas ici sur le caractère plus ou moins « NIMBY » de cette déclaration (qui cherche pourtant à déplacer une nuisance plus qu’à la réduire), laissant à d’autres ce genre d’invectives. Et l’on se contentera de remarquer que ceci serait bel et beau... si seulement c’était exact. Mais ce ne l’est pas, ainsi que le démontre l’étude d’incidence du projet |1|, admise, jusqu’à nouvel ordre, par tous les acteurs du dossier comme un document fiable.

En effet, l’hypothétique « ring » liégeois ne sera tout d’abord pas achevé avec la construction de CHB, pour la simple et bonne raison qu’un ring est une rocade autoroutière sensée protéger la ville de l’afflux automobile en maintenant la circulation hors du centre. Or, l’A602 (tunnel sous Cointe) est au contraire une pénétrante :

« Près de 70 % des véhicules empruntent l’A602 pour accéder au centre de Liège. » (p. 560 de l’étude d’incidence)

... une pénétrante sur laquelle, d’ailleurs, l’impact de CHB sera congru :

« On constate qu’en ce qui concerne la liaison sous Cointe, le soulagement dû à l’ouverture de CHB n’apportera que peu d’amélioration, que ce soit à court ou à long terme. » (p. 599 de l’étude d’incidence)

Par conséquent, si ring liégeois il doit y avoir, sa construction ne fait que commencer, ce qui constituerait une effarante fuite en avant vu les moyens publics disponibles ; vu aussi les enjeux écologiques, climatiques et énergétiques.

Concernant Rocourt précisément, l’impact de CHB sur le tronçon Loncin-Rocourt de la E40 — qui est effectivement le plus chargé à ce jour — est négligeable comme le note l’étude STRATEC p. 17 |2|. C’est que le trafic de transit passant par Liège est principalement un trafic Est-Ouest. Et chacun peut se rendre compte qu’il est peu concerné par CHB. Et si, effectivement, on peut attendre, à Rocourt, un report vers CHB du trafic venant de l’Est et allant vers les Ardennes, on doit également envisager que le trafic venant de Bruxelles et allant vers les Ardennes sera dévié vers CHB (donc via Rocourt) lorsque la liaison via « Cointe » sera saturée.

Rappelons, à toutes fins utiles, que le trafic attendu sur CHB est principalement du trafic local — le trafic de transit représente moins de 3% du total |3|. Autrement dit, le principal effet de CHB sera d’inciter plus encore à l’usage de la voiture et par conséquent de renforcer l’engorgement généralisé du réseau routier,... y compris à Rocourt.

Bref, cette citation de M. de Lamotte — en plus de démontrer la mauvaise connaissance du dossier de l’intéressé — est malheureusement représentative du fantasme commun à une bonne partie de la classe politique liégeoise, voyant dans CHB la panacée aux problèmes de mobilité. C’est bien simple : il ne semble pas que grand monde ait lu cette étude d’incidence, et encore moins ait amendé des positions prises de longue date |4| en fonction des informations y contradictoires qu’elle fournit pourtant.

Quand on se berce de vues de l’imagination au lieu de se confronter à la froide réalité des études, on risque de faire des bêtises. C’est malheureusement ce qui est en train de se passer à Liège sur les questions de mobilité.